"ALCOHOL" Par ReeToXA
- Ryann
- 8 nov.
- 5 min de lecture

Dans les recoins bruyants et transpirants de la scène punk underground, le nouveau single de Reetoxa, "Alcohol," débarque comme un ami ivre qui entre en trombe avec un grand sourire et une histoire à raconter. Ce titre — morceau d’ouverture de leur prochain album You Hear Us — ne se contente pas de donner le ton : il le fait exploser. "Alcohol" surgit comme un rappel électrisant que le punk rock, lorsqu’il est fait avec sincérité, reste la bande-son de la vie, de la confusion et de cette énergie brute, maladroite mais furieusement authentique. Ce morceau porte sa gueule de bois comme un insigne d’honneur, puisant dans cette vulnérabilité débraillée qui définit à la fois les racines du punk et la rage grunge que Reetoxa revendique avec panache.
Dès la première mesure, "Alcohol" transpire l’intention. Les guitares jaillissent à pleins décibels : distordues, sales, légèrement incontrôlables, propulsées par un tempo qui oscille entre le chaos d’un pogo et le rythme d’une piste de danse. La batterie s’abat avec cette urgence propre au punk — pas polie, mais déterminée — poussant le morceau comme un cœur battant plus vite que les regrets. Tout ici respire la spontanéité : chaque note semble vécue, chaque changement d’accord instinctif plutôt que calculé. Reetoxa forge un son quelque part entre la fureur primitive du Bleach de Nirvana et la nonchalance alcoolisée des Libertines, le tout filtré par une crasse contemporaine, rugueuse et australienne. Ce n’est pas une simple imitation de la rébellion : c’est sa réincarnation, sans excuses.
Sur le plan des paroles, "Alcohol" ne cherche pas à mythifier la nuit racontée. C’est au contraire la bande-son du lendemain matin. Le récit — un homme qui se réveille en banlieue, sans argent ni téléphone, avec le souvenir flou d’une aventure d’un soir — oscille entre humour et humiliation. C’est une histoire foncièrement punk, pleine d’autodérision et d’honnêteté brute. Là où d’autres groupes romantiseraient le chaos, Reetoxa le met à nu. Le protagoniste n’est pas un héros de rock ; c’est un type ordinaire pris au piège de ses propres sabotages. Et c’est là que le morceau trouve sa vérité : dans cet instant où la fanfaronnade s’effondre et où il ne reste qu’un reflet fissuré dans le miroir d’une salle de bain étrangère. Le chant traduit cette tension à la perfection — à moitié crié, à moitié chanté — oscillant entre la moquerie et la confession. On entend presque la gueule de bois dans la voix, cette éraflure sincère qui trahit trop de nuits blanches et trop peu d’excuses.
Ce qui rend "Alcohol" particulièrement captivant, c’est sa capacité à mêler chaos et cohérence. Ce n’est pas un morceau qui dérape : c’est un morceau qui flirte avec le désordre, juste assez pour en transmettre le frisson. Le refrain, explosif mais maîtrisé, invite à hurler avec le chanteur, même si l’on n’a jamais vécu cette histoire. Il y a dans cette ivresse une universalité : qui n’a jamais essayé de combler un vide émotionnel par un dernier verre, une dernière chanson, une dernière erreur ? L’énergie punk du morceau est tempérée par une conscience mélodique, clin d’œil à la capacité du grunge d’introspecter sans s’adoucir. Sous les guitares hargneuses, on devine un poids émotionnel réel : la tentative de rire pour ne pas pleurer. Et c’est ce qui fonctionne — parce que c’est honnête. Reetoxa semble comprendre que le grand punk rock ne cherche pas la perfection, mais la catharsis. Et "Alcohol" en est une leçon magistrale.
Côté production, le morceau atteint ce rare équilibre entre brutalité et clarté. Tout semble proche, immédiat, presque claustrophobe — comme si le groupe l’avait enregistré en une seule prise, amplis qui grésillent, murs qui suintent. Le mixage ne gomme aucune aspérité, et c’est tout l’intérêt. Les guitares grognent avec une beauté imparfaite ; la basse, lourde et sale, agit comme une seconde voix qui soutient l’ensemble. La batterie crépite d’une énergie DIY, chaque coup semblant prêt à éclater la caisse claire. Et pourtant, au milieu de cette bagarre sonore, un certain contrôle s’impose. Le morceau est conçu pour paraître incontrôlé sans l’être. C’est la marque d’un groupe qui maîtrise son instinct : savoir quand se retenir, quand laisser un feedback respirer, quand ralentir juste assez pour reprendre souffle avant de replonger. Cette maîtrise de la tension — ce surf maîtrisé sur la vague du chaos — distingue "Alcohol" de tant d’autres morceaux punk qui confondent fureur et désordre.
Mais peut-être la chose la plus marquante à propos "d’Alcohol," c’est à quel point le morceau est divertissant. Sous sa crasse et sa lourdeur, il reste dansant, presque festif. C’est le titre le plus massif de l’album, mais aussi celui sur lequel on bouge sans réfléchir — un morceau taillé pour la scène, pour un petit bar bondé où la sueur coule du plafond et où les inconnus deviennent complices pendant trois minutes d’adrénaline. Cette tension entre lourdeur et groove, entre autodestruction et libération, c’est là que Reetoxa brille. Le groupe comprend que le punk n’est pas qu’une colère : c’est aussi une joie face à l’absurde, un rire face à la douleur. "Alcohol" incarne parfaitement cette dualité — un morceau qui permet de hurler sa frustration tout en donnant envie de danser. Un équilibre rare, qui évoque les géants du genre tout en sonnant furieusement neuf dans le paysage musical de 2025.
En ouverture de le chanson, "Alcohol" agit à la fois comme une déclaration d’intention et comme un défi. Reetoxa ne cherche pas à plaire ni à suivre les algorithmes : ils viennent rappeler pourquoi le punk et le grunge comptent encore. Leur narration est aussi essentielle que leur son : désordonnée, lucide, humaine. Sous la distorsion et l’agressivité se cache une honnêteté désarmante sur la solitude, l’insécurité et les rituels étranges de la jeunesse nocturne. On sent que ce n’est pas qu’une chanson sur l’ivresse : c’est une chanson sur le besoin de l’être, sur cet espace fragile entre connexion et chaos où la musique devient le seul langage possible. Et quand le refrain revient une dernière fois, il ne sonne plus comme un hymne à la destruction mais comme un acte de libération — une expulsion du regret à travers le volume.
Si "Alcohol" est un avant-goût de ce que réserve You Hear Us, alors Reetoxa s’apprête à livrer l’un des hybrides punk-grunge les plus excitants de la décennie. Le groupe a su capturer l’esprit brut du genre sans sombrer dans la nostalgie, créant quelque chose d’urgent, de viscéral et de sincèrement nouveau. C’est un punk qui n’a pas peur de danser avec ses démons — ni de danser tout court. C’est le son d’un groupe qui sait qui il est : imparfait, impulsif, vivant. "Alcohol" n’est pas qu’un récit de mauvaise nuit ; c’est une lettre d’amour à tous ces moments où l’on ressent trop et où l’on pense trop peu. Et à une époque où tant de musique semble sûre, lisse et programmée pour plaire, le vacarme honnête et désordonné de Reetoxa est exactement ce qu’il nous fallait.
Écrit par Ryann






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