top of page

"BLAME IT ON THE MOON" Par Harrison

  • Ryann
  • il y a 23 minutes
  • 4 min de lecture
ree

"Blame It on the Moon" de Louise Harrison s’impose comme un album profondément réfléchi et chargé d’émotion, à la fois intime et d’une ampleur remarquable. Sorti le 6 novembre 2025, ce disque constitue une déclaration artistique assurée de la part d’une musicienne qui a passé des années à affiner sa voix, son instinct musical et son sens du récit à travers la chanson. Dès les premières notes, il apparaît clairement que cet album n’est pas une simple juxtaposition de titres, mais un voyage soigneusement structuré, façonné par le riche parcours de Harrison en matière de performance, de recherche académique et de collaboration. Enregistré aux studios Red Door sous la direction expérimentée de Dave Keary et Denis Carey, l’album bénéficie d’une production chaleureuse et épurée qui place la voix de Harrison au premier plan. On y ressent une véritable patience dans les arrangements, une compréhension du fait que les chansons respirent mieux lorsqu’elles ne sont pas surchargées. Cette retenue confère à "Blame It on the Moon" une qualité intemporelle, faisant écho aux traditions folk et acoustiques que Harrison habite depuis longtemps, tout en restant résolument ancrée dans le présent.


La chanson-titre, « Blame It on the Moon », donne le ton émotionnel de l’album avec une élégance discrète. En un peu plus de trois minutes, elle instaure une atmosphère introspective, utilisant une ambiguïté lyrique pour explorer les thèmes du désir, de la responsabilité et du déplacement émotionnel. La voix de Harrison s’y révèle posée et expressive, portée par une autorité calme qui attire l’auditeur sans jamais chercher à l’impressionner. Cette subtilité se poursuit dans « Same Way Too » et « Cinderella Slippers », deux titres qui ressemblent à des réflexions personnelles transformées en sentiments universels. « Same Way Too » se distingue par son phrasé presque conversationnel, évoquant une confession murmurée tard dans la nuit, tandis que « Cinderella Slippers » équilibre une douce fantaisie avec une profondeur émotionnelle bien ancrée, évitant les clichés du conte de fées au profit d’une humanité plus nuancée et mélancolique. À travers ces compositions originales, Harrison démontre un véritable sens de l’économie d’écriture, sachant quand une phrase a tout dit et faisant confiance au silence et à l’espace comme moyens d’expression.


L’une des grandes réussites de l’album réside dans la manière dont Harrison intègre harmonieusement des reprises à ses compositions originales. Loin de faire figure d’intermèdes, des titres comme « Make You Feel My Love », « Don’t Dream It’s Over », « Caledonia » et « Landslide » sont réinterprétés de façon profondément personnelle. Sa version de « Make You Feel My Love » évite toute grandiloquence pour privilégier une interprétation retenue, mettant en avant la vulnérabilité plutôt qu’une dévotion spectaculaire. « Don’t Dream It’s Over » bénéficie du même soin, sa mélodie familière étant adoucie et reformulée par le phrasé délicat de Harrison. « Caledonia », peut-être la plus émouvante, est une chanson intimement liée aux notions de foyer et d’appartenance, au risque d’une surexposition. Harrison l’aborde avec respect, laissant subtilement transparaître ses racines irlandaises et sa sensibilité ethnomusicologique sans jamais tomber dans l’emphase. « Landslide », quant à elle, devient une méditation intime sur le changement plutôt qu’un moment de tension dramatique.



Le cœur émotionnel de son "Blame It on the Moon" se trouve sans doute dans des titres comme « Lost in Between », « Maybe » et « Chasing Rainbows ». Ces chansons capturent des instants d’incertitude et de transition, reflétant une maturité nourrie par l’expérience vécue plutôt que par l’idéalisme de la jeunesse. « Lost in Between » est particulièrement évocatrice : son titre suggère à lui seul un état de liminalité et de suspension émotionnelle, un thème renforcé par son arrangement délicat et ses paroles introspectives. « Maybe », brève mais marquante, rappelle avec simplicité que les questions sans réponse persistent souvent plus longtemps que les certitudes. « Chasing Rainbows » apporte une touche légèrement plus lumineuse sans renoncer à la profondeur émotionnelle, laissant entrevoir l’espoir tout en reconnaissant la fragilité des aspirations. Dans ces morceaux, la formation académique de Harrison en ethnomusicologie se manifeste discrètement à travers sa sensibilité aux contours mélodiques et au rythme des paroles : rien n’est laissé au hasard, mais rien ne semble excessivement travaillé.


Les derniers instants de l’album, notamment avec « Angel », offrent un sentiment de résolution douce sans chercher à clore le récit émotionnel de manière artificielle. « Angel » agit comme une bénédiction murmurée, dont la chaleur persiste bien après que les dernières notes se sont évanouies. Sur l’ensemble des onze titres — six compositions originales et cinq reprises — Harrison conserve une voix artistique cohérente, façonnée par des années de performance en tant qu’animatrice au château de Bunratty, par ses collaborations avec Anúna et par sa formation musicale à Trinity College London. Ses distinctions en performance vocale se manifestent non par une virtuosité ostentatoire, mais par le contrôle, la qualité du timbre et une intelligence émotionnelle remarquable. La production des studios Red Door renforce cette approche, privilégiant la clarté et l’intimité plutôt qu’un polissage excessif.


En définitive, "Blame It on the Moon" est un album qui récompense une écoute attentive. Il ne cherche pas à attirer l’attention dans une époque dominée par l’instantanéité ; il invite plutôt l’auditeur dans un espace de réflexion où la nuance et la sincérité sont essentielles. La capacité de Louise Harrison à équilibrer compositions originales et réinterprétations respectueuses témoigne de sa polyvalence et de sa profondeur artistique. Ce disque apparaît comme une évolution naturelle de ses travaux précédents, notamment Dream, tout en s’affirmant pleinement comme une œuvre mature et assurée. Dans un paysage musical souvent marqué par l’excès, "Blame It on the Moon" brille par sa confiance tranquille, offrant des mélodies empreintes d’âme, des textes réfléchis et des interprétations d’une authenticité rare. C’est un album qui s’attarde dans l’esprit, à l’image de la lumière de la lune : douce, persistante, et impossible à ignorer une fois qu’elle a capté votre regard.



Écrit par Ryann

 
 
 

Commentaires


bottom of page