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"DISENGAGED B/W SLIPPING" Par Delta Of Venus

  • Ryann
  • 7 avr.
  • 4 min de lecture


Dans leur premier single visuel évocateur, “Disengaged b/w Slipping”, le groupe indie pop/shoegaze Delta of Venus, originaire de Mystic, Connecticut, propose bien plus qu’une simple expérience musicale — il offre une invocation cinématographique et sonore du pouvoir féminin et du mythe. Sorti le 26 novembre 2024, ce double single A-side prend vie à travers une vidéo musicale longue réalisée par l’artiste et photographe locale Michelle Gemma, et montée par James Canty. Au cœur du projet, une relecture du destin de Jeanne d’Arc — non pas comme une martyre figée dans l’histoire, mais comme une figure prophétique survivant à sa condamnation, pour mener un mouvement de résistance féminine moderne. À la fois sonore et visuelle, “Disengaged” et “Slipping” entremêlent nostalgie et nouveauté, construisant un hommage profondément atmosphérique à la résilience, à l’identité et aux strates spectrales de la révolte féminine.


Delta of Venus s’inscrit dans une veine où les textures éthérées du shoegaze rencontrent l’émotion directe de la pop indépendante. Sur “Disengaged”, le premier morceau, le groupe convoque un paysage sonore brumeux, saturé de réverbération, qui évoque l’élégance spectrale de Slowdive, tout en conservant une clarté mélodique proche de Beach House ou Alvvays. Les guitares scintillent comme du verre brisé reflétant la lumière de la lune — fragiles mais magnifiques — tandis que la section rythmique pulse avec une intensité sourde, semblable à un battement de cœur. Les voix flottent dans la brume sonore, jamais tout à fait au premier plan, mais toujours présentes, comme un murmure qui serpente à travers un rêve. Les paroles abordent l’aliénation et l’éveil, suggérant le démantèlement d’illusions et la lente, douloureuse reconquête de soi. La répétition du mot “disengaged” (désengagée) évolue d’un sentiment de défaite vers une affirmation : non pas une fuite, mais un refus.


“Slipping”, la seconde moitié du single, prend une tournure plus introspective, avec une instrumentation plus discrète et méditative. Si “Disengaged” est un cri de ralliement, “Slipping” en est l’écho intérieur. Le morceau s’ouvre sur une progression d’accords mélancoliques, soutenue par des nappes de synthétiseurs, créant une profondeur océanique qui rappelle les instants calmes de Cocteau Twins ou Grouper. Ici, le groupe penche davantage vers une pop ambiante, laissant la mélodie se déployer lentement et offrant de l’espace aux émotions. Les voix, superposées et filtrées par des effets, effacent la frontière entre chant et instrument — une autre marque du shoegaze — mais sous la brume sonore demeure une vulnérabilité touchante. “I’m slipping / into the blue” (“Je glisse / dans le bleu”), chante la voix principale à plusieurs reprises, évoquant non pas le désespoir, mais une forme d’abandon au changement, une acceptation de la transformation.


Ce qui rend cette sortie particulièrement remarquable, c’est l’ambition de son accompagnement visuel. La réalisation de Michelle Gemma confère à la vidéo une gravité poétique qui élève les morceaux au rang de mythe. Située dans la Mystic contemporaine, la vidéo imagine Jeanne d’Arc non comme une relique sanctifiée, mais comme une archétype d’émancipation féminine. Vêtue d’habits qui mêlent esthétique médiévale et mode contemporaine, Jeanne devient un symbole de rébellion intemporelle — non plus une victime sacrificielle, mais une lionne revenue. L’utilisation d’images naturelles — champs battus par le vent, forêts obscures, horizons marins — lie cette renaissance de Jeanne à la terre elle-même, ancrant la narration dans un lieu profondément évocateur. Mystic, connue pour son histoire maritime et son nom chargé de mystère, devient une scène idéale pour cette réincarnation spirituelle.


Le langage visuel de Gemma complète magnifiquement la musique. Les mises au point douces et les textures granuleuses reflètent la palette sonore de Delta of Venus, faisant de la vidéo une mémoire à demi-rappelée — intime, éphémère, hantée par des possibles. Le montage de James Canty est fluide et maîtrisé, laissant respirer musique et images à l’unisson. Par moments, les visuels semblent répondre directement à la musique : une montée de guitare coïncide avec une flamme vacillante, ou une ligne vocale fantomatique résonne sur une image de Jeanne faisant face à la mer déchaînée. Ces correspondances subtiles approfondissent la résonance émotionnelle, rendant l’expérience immersive et stratifiée.



Ce qui émerge de “Disengaged b/w Slipping”, c’est bien plus qu’un manifeste artistique puissant : c’est une méditation sur les histoires alternatives — une réécriture du passé par le prisme d’un espoir spéculatif. Delta of Venus ose poser la question : Et si nos héroïnes avaient survécu ? Et si le martyre avait laissé place à la révolution ? Ce faisant, le groupe place sa musique non comme simple bande-son de ce mythe réinventé, mais comme son propre battement. Le choix de sortir un double A-side, plutôt qu’un simple avec face B, souligne l’égalité d’importance entre les deux morceaux, et renforce l’idée que l’introspection personnelle (“Slipping”) et la résistance collective (“Disengaged”) sont les deux faces d’un même combat.


En tant que déclaration inaugurale, cette sortie établit Delta of Venus comme un groupe doté non seulement d’une esthétique sonore singulière, mais aussi d’une vision poétique mêlant intelligence émotionnelle et critique culturelle. Ils ne se contentent pas de créer des morceaux : ils construisent un folklore moderne, entrelacent sons et récits dans une tapisserie qui parle de déracinement spirituel et de force discrète. Les amateurs de shoegaze, de dream pop et de cinéma féministe y trouveront de nombreuses raisons de s’enthousiasmer. Mais au-delà des genres, “Disengaged b/w Slipping” s’impose comme un témoignage de la puissance éternelle de la réinvention — de soi, du mythe, du son. Avec cette œuvre, Delta of Venus prouve qu’il ne s’agit pas seulement de flotter dans des textures oniriques : leur ambition vise quelque chose de plus éternel, de plus cinématographique, et de plus nécessaire.



Ècrit par Ryann





 
 
 

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