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"IF EYES" Par Ashia Ackov

  • Ryann
  • 19 mai
  • 4 min de lecture


À une époque où le jazz moderne tend souvent vers l’expérimental ou se fait éclipser par les sonorités électroniques minimalistes, Ashia Ackov redonne ses lettres de noblesse à un charme oublié avec son dernier single, "If Eyes". Plongé dans l’élégance et la complexité émotionnelle du Hollywood des années 1950, ce morceau de jazz Noir est bien plus qu’un simple clin d’œil au passé cinématographique – c’est une immersion totale dans cet univers. Ashia a su créer une œuvre qui ne se contente pas d’évoquer une époque de glamour et d’ombres, mais qui insuffle une nouvelle vie à ce style, à travers un récit profondément personnel, empreint de nostalgie et d’amour sacrifié au nom du devoir. En tant que morceau phare de son futur album vinyle L’oiseau Chanteur, "If Eyes" donne le ton d’un projet à venir tout en raffinement, en narration poétique et en intemporalité.


Dès les premières notes, "If Eyes" s’enveloppe d’un velours sonore. L’instrumentation est à la fois riche et discrète, avec des balais feutrés sur la caisse claire, une contrebasse souple, une section de cuivres mélancolique et un piano aux accents sombres et élégants. Le tout oscille dans un tempo onirique, semblable à une volute de fumée qui s’élève dans un club tamisé. Le langage harmonique est évocateur, empreint d’accords étendus typiques du jazz – neuvièmes mineures, accords diminués, progressions chromatiques lentes – qui éveillent à la fois mystère et désir. Ce n’est pas seulement une chanson que l’on écoute, c’est une chanson qui hante. Il y a une théâtralité subtile dans l’orchestration, qui rappelle les partitions classiques de Henry Mancini ou les ballades de Julie London, mais Ashia n’imite pas – elle habite entièrement ce monde à sa manière.


Ackov est une révélation. Sa voix possède une présence cinématographique saisissante – grave, sensuelle, et sans précipitation. Une fragilité fumée transparaît dans son interprétation, comme si chanter relevait à la fois de la confession intime et de l’exorcisme émotionnel. Chaque phrase est soigneusement articulée, ponctuée de nuances subtiles, révélant une artiste qui maîtrise aussi bien les silences que les notes elles-mêmes. Lorsqu’elle chante «If eyes could speak, they’d tell you not to go », il ne s’agit pas d’une simple déclaration lyrique – c’est une vérité lancinante, posée délicatement sur la poitrine de l’auditeur. Sa maîtrise du vibrato, de la dynamique et des couleurs vocales est impressionnante ; elle sait quand laisser une note s’éteindre comme de la cendre, et quand la faire durer comme un dernier regard.


Sur le plan textuel, “If Eyes” est d’une poésie simple mais percutante. La chanson tisse les archétypes du film noir – la chanteuse de bar solitaire, le détective privé tiraillé entre l’amour et l’enquête, une nuit qui ne se termine jamais – pour en faire un récit profondément humain. Pas besoin d’exposition grandiloquente ; l’histoire se révèle par touches subtiles, à travers des images évocatrices et des vers ciselés. Des lignes telles que « Your shadow traced the exit light / while I poured gin for ghosts » ou « My voice sang for no one, but you heard it anyway » évoquent des scènes cinématographiques tout en restant ancrées dans une douleur très réelle. La métaphore des yeux – ces fenêtres vers les vérités muettes – est utilisée avec finesse tout au long du morceau, donnant au titre plusieurs niveaux de lecture : supplique, résignation, souvenir.



Ce qui rend “If Eyes” particulièrement captivant, c’est l’usage du style rétro non pas comme un artifice, mais comme un véritable langage émotionnel. Il y a ici une compréhension sincère du jazz – tant dans la composition que dans le propos. Le saxophone ne cherche pas à briller, il soupire comme une seconde voix. Le piano ne fait pas étalage de virtuosité, il parle à travers des accords qui résonnent comme des pensées intimes. Même le rythme du morceau défie les standards modernes ; il prend son temps, comme une danse lente à la fin d’une nuit, lorsque l’on sait que tout est fini, mais que l’on n’a pas encore trouvé la force de partir. Ackov se révèle être bien plus qu’une compositrice ou une chanteuse : elle est une conteuse, dans le sens le plus noble du terme – une artiste qui comprend comment agencement, texte, atmosphère et silence se conjuguent pour faire naître l’émotion.


En tant qu’avant-goût de L’oiseau Chanteur, “If Eyes” est tout simplement envoûtant. Il annonce un album qui valorise la narration, l’élégance, et la capacité de faire ressentir intensément à travers des formes anciennes remises au goût du jour. Dans une époque dominée par l’instantanéité et la consommation rapide, la musique d’Ashia Ackov invite l’auditeur à ralentir, à ressentir profondément, et à entrer dans un autre monde. “If Eyes” n’est pas simplement une chanson – c’est une scène, une ambiance, un plan final où défilent les crédits. Et bien après que la musique se soit tue, on reste là, dans le silence, à écouter l’écho d’une voix qui chantait pour l’amour – et pour ce qui aurait pu être.



Ècrit par Ryann

 
 
 

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