''LAMINARIA'' de Concetta Abbate est une œuvre magistrale mêlant horreur folklorique, orchestre de chambre et narration viscérale. Avec ses 13 morceaux aux paysages sonores étranges et à la composition complexe, cette suite explore les thèmes de la vie, de la mort, des traumatismes et de la puissance écrasante de la nature à travers la figure d’un fantôme sous-marin. Interprétée en collaboration avec la Wendy Osserman Dance Company, ''LAMINARIA'' plonge les auditeurs dans un monde à la fois primitif et surnaturel. Les textures instrumentales, l’utilisation soignée des dynamiques et la fusion harmonieuse d’éléments modernes et classiques font de cet album non seulement un exploit musical, mais aussi une expérience profondément émotive et existentielle. Le morceau d’ouverture, ''The Devil’s Apron'', plonge immédiatement les auditeurs dans les profondeurs de l’océan. Nommée d’après une algue sombre et fluide, cette pièce introduit une atmosphère de mystère et de pressentiment, avec des sections de cordes qui imitent les mouvements des marées.
Le violon d’Abbate, avec son ton tranchant et inquiétant, nous guide à travers un paysage aquatique où des harmonies dissonantes créent une tension, comme si quelque chose d’obscur rôdait sous la surface. Tout l’orchestre gonfle et se retire, à la manière des vagues, immergeant le public dans un monde sous-marin et surnaturel. ''Salted Shroud'' approfondit cette descente, avec une instrumentation dense et lourde évoquant le poids de l’eau et des secrets enfouis dans la mer. La mélodie, presque élégiaque, semble être un chant funèbre pour ce qui a été perdu dans les profondeurs. Les cordes et les bois s’entrelacent, produisant un son à la fois sombre et envoûtant, écho des traumatismes cachés et des histoires dissimulées par le temps et l’eau. La tension monte ici : qui ou quoi est enfermé dans ce « linceul », et que révèle-t-il sur le grand récit de la vie, de la mort et de la renaissance ? L’attention d’Abbate aux détails sonores révèle des couches de sens, faisant de cette piste un moment aussi riche sur le plan émotionnel que musical.
''Akali Halo'' est un point culminant lumineux, changeant légèrement le ton de l’album pour quelque chose de plus éthéré, tout en conservant ses sombres nuances. Ce morceau capte l’interaction entre la lumière et l’obscurité avec des instruments aux registres plus aigus—violons, glockenspiel et carillons—qui évoquent des rayons de lumière perçant les profondeurs. Il y a ici une beauté fragile, mais non sans un sentiment de danger. Les sons lumineux nous rappellent que la lumière, bien qu’elle soit belle, est éphémère dans l’immensité de l’océan, et c’est cette fragilité qui rend ''Akali Halo'' si captivant. La musique ressemble à une brève lueur de clarté dans un monde autrement sombre. Le rythme s’intensifie avec ''The Search'', un morceau qui introduit un sentiment d’urgence et de tension narrative. L’orchestre semble engagé dans une sorte de poursuite, avec des rythmes rapides et staccato qui créent l’impression d’une chasse—ou peut-être la recherche de quelque chose perdu depuis longtemps dans la mer.
Les cordes prennent une qualité frénétique, tandis que les cuivres et les percussions apportent une force lourde et menaçante, ajoutant du poids au mystère. Les signatures temporelles changeantes laissent l’auditeur désorienté, reflétant la nature insaisissable de la présence fantomatique au cœur de l’histoire. Abbate compose ici un paysage sonore où la tension monte et se relâche, tirant l’auditeur plus profondément dans le sous-courant émotionnel de la suite. Au fur et à mesure que la suite progresse, des morceaux comme ''Salted Shroud'' et ''The Devil’s Apron'' continuent d’évoquer la lutte entre l’âme humaine et la force écrasante de la nature. L’entrelacement complexe des techniques de musique de chambre avec des éléments modernes et folkloriques ancre l’album, même si le récit dérive dans des territoires mythologiques et surnaturels. Chaque choix instrumental semble délibéré, chaque texture—qu’il s’agisse du frottement d’un archet sur une corde ou des tons respirés des instruments à vent—ajoute du poids émotionnel à l’histoire racontée. La capacité d’Abbate à évoquer des émotions profondes à travers ces moments intimes est l’une des plus grandes forces de l’album.
Le morceau, ''The Search'', amène tout à une résolution émotionnelle puissante. Ici, l’orchestration atteint son apogée, avec des cordes et des cuivres qui s’entrelacent pour délivrer un ultime coup de poing émotionnel. Les thèmes fantomatiques qui ont hanté les morceaux précédents reviennent avec une force renouvelée, bien qu’ils soient maintenant transformés et magnifiés, comme si le voyage touchait à sa fin. Qu’il s’agisse d’une résolution paisible ou d’un conflit qui persiste, la musique laisse l’auditeur dans un état de réflexion et d’émerveillement, semblable à la puissance de la mer elle-même. ''LAMINARIA'' se présente comme une œuvre audacieuse et inventive, fusionnant harmonieusement les traditions folkloriques, la musique de chambre et une narration profondément personnelle. Les thèmes de la mort, de la renaissance et de la puissance écrasante de la nature résonnent tout au long de l’album, offrant une expérience immersive et stimulante. La capacité d’Abbate à équilibrer l’émotion brute avec une maîtrise technique fait de cet album un voyage fascinant et inoubliable vers l’inconnu.
Écrit par Ryann
Comments