"LAMPIN" Par Synthonic
- Ryann
- il y a 11 minutes
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Avec "Lampin," Synthonic livre un EP riche et profondément texturé, qui équilibre à merveille décontraction et rythme, composition rigoureuse et inspiration spontanée. Dès la première note, "Lampin" affirme son identité : ce n’est pas une simple toile sonore d’ambiance, mais un véritable voyage auditif. À travers une fusion fluide entre instruments acoustiques, synthétiseurs, VSTs et échantillons savamment choisis, Synthonic crée une expérience immersive, enregistrée depuis son studio maison mais digne des meilleures productions professionnelles. Il ne s’agit pas simplement d’un exercice technique : chaque morceau respire la sincérité, l’authenticité, et surtout, une maîtrise exceptionnelle de la musicalité. Loin des clichés ou des effets de mode, Synthonic affirme ici une vision sonore singulière, entre funk, jazz moderne, soul électronique et atmosphères lo-fi.
L’ouverture avec « All Day, Every Day » plante le décor : groove est le maître mot. Sur un rythme précis et syncopé, une ligne de basse fluide vient dialoguer avec des nappes de claviers chaudes et vibrantes. Le morceau groove sans forcer, chaque élément trouve sa place sans surcharge. Synthonic brille par sa retenue autant que par son savoir-faire : les accords flottent, les transitions sont douces, l’énergie reste contenue mais toujours présente. On pense à Kaytranada, Tom Misch ou encore D’Angelo, mais sans jamais avoir l’impression d’un pastiche. Synthonic développe ici sa propre grammaire musicale, faite d’équilibre et d’élégance. Cette première piste fonctionne comme un manifeste : on va parler groove, textures, subtilité et cohérence.
La piste éponyme, "Lampin", abaisse légèrement le tempo pour installer une ambiance encore plus détendue, presque méditative. Fidèle à l’expression américaine "lampin" (chiller avec style), le morceau s’installe dans une torpeur feutrée. Les guitares jazzy caressent l’oreille, les nappes synthétiques se superposent avec délicatesse, tandis que le beat minimaliste laisse respirer la structure. Mais ne vous y trompez pas : sous sa surface tranquille, le morceau recèle une complexité discrète. Les changements de textures, les petits breaks filtrés, les variations harmoniques discrètes maintiennent une tension latente. Le jeu sur la stéréo et les plans sonores donne au morceau une dimension immersive, presque cinématographique. C’est un moment suspendu, une ode au calme maîtrisé et à la finesse.
Avec « Chameleons » et « Tonight », Synthonic explore d’autres territoires, tout en restant fidèle à son esthétique. « Chameleons » porte bien son nom : le morceau change, glisse, se transforme constamment sans jamais perdre son groove. L’introduction aérienne cède peu à peu la place à des lignes mélodiques plus affirmées, jouant sur les chromatismes, les accords suspendus et les tensions harmoniques. C’est une prouesse de sophistication, mais jamais au détriment de l’accessibilité. « Tonight », quant à lui, s’aventure du côté du R&B sensuel, avec ses claviers lo-fi, son ambiance nocturne et ses textures soyeuses. L’émotion y est palpable, intime. C’est un slow burn qui séduit par sa simplicité apparente, mais qui révèle à chaque écoute une richesse de détails subtilement intégrés. Une véritable réussite dans l’art de suggérer plus que de démontrer.
Les morceaux « The Quirk » et « Big Fat Funk » injectent une dose de fantaisie et de légèreté dans l’EP. « The Quirk » assume son côté décalé, avec ses rythmiques imprévisibles, ses sons glitchés et ses envolées de synthétiseurs parfois presque cartoon. On y décèle des influences expérimentales – peut-être Flying Lotus ou Squarepusher – mais toujours canalisées dans une structure cohérente. Un petit bijou d’excentricité contrôlée. À l’inverse, « Big Fat Funk » est une déclaration d’amour frontale au groove. La basse claque, les cuivres explosent (réels ou synthétisés, difficile à dire), et l’énergie est purement festive. On y retrouve une influence directe du funk des années 70 (Parliament, Bootsy Collins), avec une touche acid jazz très 90s à la Jamiroquai. Le tout actualisé par une production moderne, nette, et percutante. C’est un morceau qui appelle à la danse, à la sueur, à la fête. Un pic d’énergie dans l’EP.
Enfin, le dernier morceau « I Said I’m Sorry » clôt l’EP sur une note émotive, presque introspective. Loin du funk exubérant, ici tout est dans la retenue : les accords sont posés, les textures atmosphériques prennent le devant, et le rythme se fait discret. C’est une confession instrumentale, un moment d’humilité qui touche par sa sincérité. Le titre évoque le regret, le pardon peut-être, et sa structure épurée laisse toute la place à l’émotion. Pas de grand final, pas d’explosion orchestrale – juste une lente extinction. Une manière poignante de refermer ce voyage sonore, laissant derrière lui un sentiment de calme et de profondeur.
Ce qui fait la force de "Lampin", c’est son équilibre. Chaque morceau explore une facette différente de l’univers de Synthonic, mais tous partagent la même cohérence sonore, la même attention au détail, la même qualité d’arrangement. Loin de se contenter de produire des beats agréables, Synthonic compose de véritables micro-récits instrumentaux. Son mélange d’analogique et de digital, de jazz et d’électro, de nostalgie et de modernité, construit un langage musical personnel et riche. L’EP s’écoute comme on regarde un bon film indépendant : lentement, attentivement, avec le sentiment qu’on en sort un peu différent.
Fort de ses performances récentes au Sidmouth International Jazz & Blues Festival et au Southampton Modern Jazz Club, Synthonic confirme ici qu’il n’est pas qu’un producteur de l’ombre : c’est aussi un artiste de scène, capable de faire vivre ses compositions en direct avec la même complexité et la même fluidité. Cette crédibilité scénique nourrit aussi l’écoute de l’EP : on imagine chaque morceau transposé sur scène, réinterprété, vivant. "Lampin" n’est pas un simple projet de studio, c’est une carte de visite complète d’un musicien accompli, moderne et en pleine ascension. Synthonic ne suit pas les tendances – il les anticipe.
Ècrit par Ryann
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