"PEOPLE JUST FLOAT" Par Steel & Velvet
- Ryann
- 8 nov.
- 3 min de lecture

Avec "People Just Float", leur nouveau projet à double dimension — EP de six titres et court-métrage réalisé par Loïc Moyou —, le trio breton Steel & Velvet dépasse les frontières du folk-rock pour toucher à quelque chose de plus intime, de plus visuel, presque spirituel. Cette œuvre n’est pas seulement un disque : c’est une méditation. Une exploration de la solitude, de la peur et de la rédemption, portée par une sobriété sonore d’une rare justesse. Formé en 2021 par Johann Le Roux (chant) et Romuald Ballet-Baz (guitare), bientôt rejoints par Jean-Alain Larreur, le groupe s’inscrit dans la lignée dépouillée des American Recordings de Johnny Cash, mais en fait ici un langage narratif — celui du murmure, du silence et de la présence.
L’EP raconte l’histoire de Joshua, un homme reclus vivant dans une cabane, qui voit sa solitude bouleversée par la rencontre d’une femme apeurée. À travers six chansons, Steel & Velvet déroule un récit à la fois concret et symbolique, quelque part entre conte et confession. Les morceaux, empruntés à Robbie Basho, Johnny Cash, Bob Dylan, Pixies, Nirvana, Peter Ivers et David Lynch, composent un patchwork d’influences nord-américaines revisitées à travers une sensibilité bretonne. Les arrangements acoustiques, volontairement minimalistes, tissent un fil cohérent : guitare, voix, silence. Ce dépouillement donne à chaque chanson une fonction narrative — non plus des reprises, mais des chapitres d’un même poème sonore.
Dès "Orphan’s Lament", le ton est donné : grave, contemplatif, presque sacré. Le Roux y chante avec une pudeur qui touche immédiatement, comme s’il cherchait non pas à se livrer, mais à transmettre quelque chose d’indicible. Puis vient "Ring of Fire", réinterprété avec une humilité désarmante. Loin de la flamboyance de l’original, Steel & Velvet en font une confession murmurée, une flamme qui consume plutôt qu’elle n’éclaire. La passion devient souvenir. "Man in the Long Black Coat" installe ensuite une tension dylanienne, hantée et suspendue. La guitare tremble, la voix flotte, et le silence devient un instrument à part entière.
"Silver" marque une respiration lumineuse. On y entend Jade, la fille de Johann Le Roux, dont la voix enfantine apporte une touche d’innocence bouleversante. Ce duo père-fille agit comme un symbole — la transmission, la tendresse dans la tempête. « Lake of Fire » descend ensuite dans les abîmes d’une douleur contenue, tandis que « In Heaven », extrait de l’univers onirique de David Lynch, clôt le disque dans une apesanteur totale. Le titre "People Just Float" prend ici tout son sens : la musique s’élève, se dissout, jusqu’à se confondre avec le silence.
Le court-métrage de Loïc Moyou prolonge ce sentiment de suspension. Joshua y erre, la caméra le suit, le paysage respire. Le rythme est lent, presque méditatif, fidèle à la texture sonore du disque. Rien n’est forcé : chaque geste, chaque plan, chaque souffle semble dicté par la musique elle-même. La forêt devient un personnage, à la fois refuge et miroir. Ce film, volontairement gardé confidentiel, n’est pas un clip promotionnel — c’est une œuvre sœur, un prolongement visuel du silence musical. Ce qui rend Steel & Velvet si singuliers, c’est leur fidélité à l’authenticité sonore. Le choix de ne pas amplifier la voix en concert, de privilégier la proximité physique, se retrouve dans leur démarche d’enregistrement. Pas d’effets, pas de fioritures : juste des instruments, une voix, un espace. Cette simplicité devient un acte de résistance dans une ère saturée de sons artificiels. Elle transforme l’écoute en expérience physique — presque sacrée.
En revisitant ces classiques, Steel & Velvet ne cherchent pas à les moderniser, mais à les réincarner. Leur art ne parle pas d’innovation, mais de continuité — de la manière dont une chanson peut renaître à travers la sincérité. Si "Waiting for Some Warmth (2023)" rendait hommage à Mark Lanegan, "People Just Float" en est le prolongement naturel : une quête de chaleur à travers la lucidité.
Car au fond, ce que Steel & Velvet proposent, c’est une musique qui tient dans le temps. Une musique qui n’impose rien, mais qui habite longtemps. "People Just Float " ne se contente pas d’être entendu : il se contemple. Comme le silence après la dernière note — cet instant suspendu où, l’espace d’un souffle, l’humanité semble flotter.
Écrit par Ryann









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