"ANGEL TRIO" Par Kare Salicath Jamali
- Ryann
- il y a 2 jours
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Il existe des artistes qui composent la musique, et d’autres qui la reçoivent — comme si elle leur était transmise par un courant supérieur, venu d’ailleurs. Karen Salicath Jamali appartient sans aucun doute à cette seconde catégorie. Son œuvre dépasse la simple écriture musicale pour atteindre une dimension spirituelle qui semble reçue, plus qu’élaborée. Avec son dernier album, "Angel Trio," Jamali offre bien plus qu’un ensemble de pièces pour piano : elle nous convie à un dialogue entre l’âme humaine et une énergie céleste. « Trois êtres, trois voix, une lumière », écrit-elle — et ce n’est pas une métaphore. Chacune des trois compositions se déploie comme une présence distincte au sein d’un même halo divin, trois portes ouvrant sur un temple unique de lumière et de son.
Née au Danemark et aujourd’hui installée entre New York et la Floride, Karen Salicath Jamali a toujours évolué entre les mondes de l’art et de la transcendance. Pendant des décennies, elle fut surtout reconnue comme peintre, sculptrice et photographe, formée à la Royal Danish Academy of Fine Arts. Son œuvre visuelle — exposée dans plus de 180 expositions à travers le monde, y compris au musée du Louvre — explore les thèmes de la lumière, de l’énergie et de la frontière métaphysique entre esprit et matière. Mais sa seconde vie, celle de compositrice, a commencé non par apprentissage, mais par accident : une expérience de mort imminente, en 2012, qui a tout bouleversé. Le traumatisme crânien qu’elle subit alors ne fit pas naître le silence, mais la musique — des mélodies apparaissant spontanément dans ses rêves. En 2015, après sa guérison, elle se mit à les transcrire au piano, un instrument qu’elle n’avait jamais pratiqué auparavant. De cette révélation est née une extraordinaire fécondité créative : huit albums, plus de 2 500 compositions, de multiples récompenses internationales et huit concerts en solo au Carnegie Hall.
Si l’histoire de Jamali semble miraculeuse, sa musique en porte le témoignage éclatant. "Angel Trio" prolonge la lignée de ses albums Dreams of Angels et Angel Hanael’s Song, mais en condense le langage céleste dans une forme encore plus pure et essentielle. Les pièces sont dépouillées, lumineuses, d’une tendresse infinie — et pourtant, sous cette quiétude affleure une force spirituelle immense. Chaque morceau agit comme une invocation, un appel du cœur humain vers quelque chose d’insondable. Aucun artifice, aucune virtuosité : Jamali atteint la communion par le son et le silence. Son toucher sur le clavier est d’une légèreté absolue, presque fragile, laissant chaque note respirer, scintiller avant de s’éteindre. Dans "Angel Trio," le silence a autant d’importance que le son : les pauses deviennent des réceptacles de grâce.
La première pièce, « Angel Hanael’s Light », s’élève comme une aube sur l’horizon de l’âme. Les accords se succèdent lentement, sans hâte, comme si la musique se découvrait elle-même en temps réel. Plus qu’une composition, on perçoit une transmission. Le phrasé possède la délicatesse sacrée d’un Arvo Pärt, mais la sonorité de Jamali reste unique : cristalline, vulnérable, intime. Au fil du morceau, de subtiles harmoniques se déploient comme des halos autour de la mélodie, évoquant le battement d’ailes d’un ange invisible.
La deuxième pièce introduit un contraste, plus introspectif — peut-être « Angel Raphael – The Angel of Healing », à l’image de l’une de ses œuvres récompensées. Le ton devient méditatif, tourné vers l’intérieur, mais jamais mélancolique. Les harmonies ondulent comme l’eau sur la pierre, charriant à la fois la mémoire et la guérison. Le jeu de Jamali possède la patience de la prière : elle laisse les émotions émerger d’elles-mêmes, sans les forcer, confiante dans la résonance du cœur de l’auditeur. C’est une musique d’une sincérité absolue — non pour séduire, mais pour apaiser. On y sent cette même force réparatrice qui l’a sauvée autrefois : son piano est à la fois blessure et remède, instrument et voix.
La pièce finale, « Angel of Peace », parachève l’arc lumineux de l’album dans un sentiment d’abandon. Là où la première œuvre s’éveille et la seconde contemple, celle-ci s’élève. Les motifs graves s’animent peu à peu, comme un cœur qui se libère de son poids. Dans les aigus, la lumière s’intensifie, suggérant une transcendance qui n’est pas fuite, mais retour — retour à la lumière, à l’unité. La composition s’achève non sur une clôture, mais sur une suspension, comme si l’auditeur avait franchi entièrement le seuil du temple évoqué par l’artiste. La musique ne referme pas la porte : elle la laisse ouverte, invitant le silence à poursuivre ce que le son a commencé.
À travers "Angel Trio," on perçoit des échos de l’impressionnisme classique — des réminiscences de Debussy, Satie ou Pärt — mais l’héritage n’est que partiel. Ce qui définit véritablement la musique de Jamali, c’est l’intention. Sa matière n’est pas la forme ou la virtuosité, mais la fréquence, l’énergie et la vibration — les mêmes principes qui nourrissent son œuvre plastique. Écouter son piano, c’est assister au comportement de la lumière devenue son : chaque accord semble une couleur, chaque intervalle une ouverture de l’espace. La production de l’album préserve cette pureté lumineuse : le piano est proche, intime, presque chuchoté à l’oreille. Aucun effet, aucun arrangement : seulement la résonance du bois, du souffle, et de l’instant.
Sous cette simplicité apparente se cache pourtant une intuition technique remarquable. Bien qu’autodidacte, Jamali joue avec l’aisance d’une pianiste classique aguerrie. Sa manière d’équilibrer les accords, sa retenue dynamique, son contrôle du sustain trahissent une intelligence musicale instinctive. Elle ne joue pas pour démontrer, mais pour transmettre. Peut-être est-ce pour cela que sa musique dégage une telle paix : elle ne cherche pas à émouvoir, mais à aligner. À l’instar de la musique sacrée — de Hildegarde de Bingen aux compositeurs ambiants contemporains — Jamali occupe ce rare point d’équilibre entre dévotion et art, où la création devient cérémonie.
Son univers artistique dépasse largement le champ musical. Elle continue à produire sculptures et peintures où, comme dans sa musique, les anges apparaissent non comme des figures pieuses mais comme des symboles d’énergie et de lumière. « Les anges sont des énergies », dit-elle. « Certains peuvent les sentir, d’autres les voir, d’autres encore les entendre. » Dans sa musique, cette affirmation prend corps : le piano semble parler dans une fréquence qui dépasse le langage musical lui-même. Il n’y a ni dogme, ni mysticisme forcé, seulement la vibration — et, de cette vibration, naît la paix.
La reconnaissance internationale n’a pas tardé à suivre. Son album Dreams of Angels a remporté une médaille d’argent aux Global Music Awards dans la catégorie Meilleur album pour piano solo, et a reçu plusieurs nominations, notamment aux Elite Music Awards 2025 et au International Songwriting Competition (ISC). Ses précédents opus — Angel Hanael’s Song, Angel Pollination, Hope of Angels — ont également été salués pour leur pureté sonore et leur profondeur méditative. Mais "Angel Trio" semble atteindre une forme d’épure absolue, presque élémentaire. Après des années d’abondance créative, Jamali touche ici à l’essence de son langage : trois pièces, trois lumières, rien de superflu.
Écouter "Angel Trio," c’est vivre une expérience plus qu’un concert. L’album ne cherche pas à distraire : il enveloppe. Chaque morceau réaccorde le rythme intérieur de l’auditeur, ralentit le temps, ouvre un espace de silence. Dans un monde saturé de vitesse et de bruit, la musique de Jamali offre une forme de simplicité radicale. C’est le son de la présence elle-même — fragile, éternelle, profondément humaine.
"Angel Trio" est une œuvre d’une sincérité lumineuse — une offrande méditative qui relie le son à l’esprit. Karen Salicath Jamali transforme son piano en instrument de grâce, créant non des morceaux, mais de véritables expériences de transcendance. Ces trois pièces forment une trinité de lumière : distinctes, rayonnantes, unies par une même pulsation divine. Les écouter, c’est entrer dans le temple qu’elle ouvre — et en ressortir, plus apaisé, plus clair, plus proche de soi.
Écrit par Ryann









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